Dans son livre Points de suspension, 44 ans d’exploration théâtrale, Peter Brook revient sur une expérience qu’il a faite avec sa troupe de théâtre, qu’il a emmenée en Afrique, dans des villages, pour improviser des scènes de manière totalement spontanée. 

« Les apparences ne jouèrent aucun rôle. La relation devait s’instaurer – ou pas – en termes humains. Quand la représentation marchait bien, il se passait quelque chose qui ne pouvait exister que grâce à cette forme-là. En d’autres termes, quand trente étrangers arrivent dans un village et se promènent en dévisageant les habitants, ou bien la situation créée est artificielle, ou bien cette situation, bloquée, ne peut en aucun cas évoluer. Grâce à une représentation, il devenait possible, en une heure, de réchauffer les relations et de les rehausser, de leur permettre d’évoluer, parce que quelque chose s’était passé. » (éd. Seuil, p. 162)


Une représentation de théâtre chrétien peut elle aussi créer un moment exceptionnel, une rencontre des âmes… entre des acteurs qui travaillent un texte depuis plus d’un an, qui arrivent avec toute la qualité de ce travail, mais aussi tous ses ratés et tous ses imprévus, ses retards et ses angoisses, et des spectateurs en attente d’une certaine révélation. Grâce à la médiation du texte de Bernanos, cette rencontre pourra se faire – ou ne pas se faire.

Ce qu’il y a d’exceptionnel ici, c’est que le sujet de la pièce est à la fois historique et mystique: on y voit comment de simples religieuses en arrivent peu à peu au don total de leur vie pour leurs frères, leur pays, « pour que la paix soit rendue à l’Eglise et à l’Etat ». Il ne s’agit plus d’un simple fait historique, mais d’entrer dans le mystère de ce don que chacune des seize religieuses a fait de sa propre vie.

Au-delà des imperfections du jeu ou de la mise en scène, chacun peut, face à ce texte, être mis face à ce que veut dire dans sa propre vie ces mots « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »